Les poètes maudits
Le « poète maudit » est un concept inventé par Paul
Verlaine, dans son ouvrage “Les poètes maudits”, publié en 1884 et
ensuite en 1888, qui est une biographie de six poètes: Tristan Corbière, Arthur
Rimbaud, Stéphane Mallarmé, Marceline Desbordes-Valmore, Villiers de
l’Isle-Adam et Pauvre Lelian (anagramme de Paul Verlaine lui-même) et un
recueil de leurs poèmes.
Dans cette oeuvre, le poète rend hommage au Parnasse
français « décadent » qui marque la fin du Second Empire et les débuts de la
Troisième République. Paul Verlaine, qui fréquentait personnellement ces
auteurs, donne beaucoup d’anecdotes de première main.
La
notion de poète maudit désigne en général un poète talentueux qui, incompris
dès sa jeunesse, rejette les valeurs de la société, se conduit de manière
provocante, dangereuse, asociale ou autodestructrice (en particulier avec la
consommation d’alcool et de drogues), rédige des textes d’une lecture difficile
et, en général, meurt avant que son génie soit reconnu.
D‘autres
poètes (antérieurs ou postérieurs) seront par la suite considérés comme proches
de cette attitude littéraire : François Villon, Gérard de Nerval, Charles
Baudelaire, Lautréamont, Antonin Artaud, John Keats, Edgar Allan Poe, voire
même Jim Morrison.
La
notion romantique de malédiction du poète apparaît déjà en 1832 dans l’ouvrage
d’Alfred de Vigny (un poète romantique), “Stello” qui expose le problème des
rapports entre poètes et société
et qui affirme que le Poète « appartient à la race toujours maudite
par les puissances de la terre ». Le poète maudit est donc une figure
mythique de la pensée du XIX° siècle, qui commence chez les romantiques avant
d’être continué par le Parnasse et
surtout le symbolisme.
Les recueils les plus «représentatifs» de cette notion de poète
maudit sont :
Romances sans paroles (1874) recueil de poèmes de Verlaine
Paul Verlaine |
Une saison en enfer de Rimbaud (1873) recueil de poèmes en prose d’Arthur Rimbaud.
Rédigé en juillet 1873
après une période de crise dans la vie du poète — l’accident de Bruxelles avec
Verlaine et le retour à Roche dans la ferme familiale — à partir d’une ébauche
commencée quelques mois auparavant. Chant païen halluciné, le poème est aussi une
profession de foi, marquée par la quête du salut, les déceptions sentimentales
et artistiques, et un réquisitoire contre la civilisation occidentale et ses
valeurs. Une saison en Enfer reste dans
l’histoire de la littérature une œuvre fondatrice.
Vie et
oeuvres d’Arthur Rimbaud
Arthur Rimbaud |
Il nait le 20 octobre 1854 à
Charleville dans les Ardennes. Son père est un militaire toujours absent. Sa
mère dévote et austère élève seule ses quatre enfants. Arthur Rimbaud est un enfant
doué et précoce. Dès son enfance, il étonne ses maîtres par son intelligence
brillante, et ses dons pour l’étude, mais aussi par son caractère fantasque et
instable. À huit ans, il écrit. Il saute des classes. En 1861, ses parents se
séparent et il va se lier avec les gamins des rues. Il est capable, à 14 ans,
de rédiger en latin un poème de 60 vers.
En 1870, George Izambard, un de ses
professeurs, le guide sur la voie de la poésie dans laquelle le jeune Arthur
Rimbaud, qui veut devenir Parnassien, s’oriente.
Lettre de Rimbaud à Théodore de Banville
(poète Parnassien)
Cher Maître,
Nous sommes aux mois
d’amour ; j’ai presque dix-sept ans, l’âge des espérances et des chimères,
comme on dit. - et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la
Muse, - pardon si c’est banal, - à dire mes bonnes croyances, mes espérances,
mes sensations, toutes ces choses des poètes - moi j’appelle cela du
printemps...
J’aime tous les poètes, tous les bons Parnassiens, - puisque le
poète est un Parnassien, - épris de la beauté idéale ;
Dans deux ans, dans
un an peut-être, je serai à Paris. Je serai Parnassien ! - je jure, cher
maître, d’adorer toujours les deux déesses, Muse et Liberté.
-
Arthur Rimbaud.»
Dans cette lettre, le jeune Arthur
Rimbaud déclare très clairement adorer la poésie, il fait part à son ami et
maître de sa volonté de devenir membre actif du Parnasse. Il n’a que dix-sept
ans.
La guerre de 1870, entre la France et
la Prusse, le rend antimilitariste. Il fait alors sa première fugue à Paris où
il devient journaliste. Il est arrêté et conduit en prison. Il sera libéré
quelques jours plu tard pour être ramené chez sa mère.
Il commence une longue série de
fugues et de nombreux allers-retours entre Paris et Charleville. En 1871,
Arthur Rimbaud prend parti pour la Commune. Il adresse à Georges Izambard et
Paul Demeny ses fameuses “Lettres du voyant,” et décide d’être poète.
Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.
Le poète se fait voyant par
un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes
d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous
les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a
besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous
le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! -
Car il arrive à l'inconnu ! - Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus
qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu.
C‘est en septembre 1871 que Rimbaud
rencontre Verlaine à Paris, lequel, à 26 ans, vient de renoncer à ses
débauches et de se marier. Verlaine, qui a lu ses poèmes, lui a envoyé l’argent
pour faire le voyage jusqu’à Paris. Entre les deux poètes s’établit une
relation orageuse et mouvementée.
Leur liaison tumultueuse fait
scandale dans les cafés parisiens où Arthur Rimbaud, ivre comme Verlaine, qui a
recommencé à boire et a quitté le domicile conjugal, insulte les écrivains. Lors
d’un dîner rituel, Rimbaud lira devant tout le Parnasse son poème Le Bateau
Ivre qui
soulèvera un enthousiasme général.
Les amants mènent une vie d’errance
entre la France, l’Angleterre et la Belgique. Ils vont, viennent, se disputent,
jusqu’à la rupture, lorsque le 10 Juillet 1873, Verlaine, ivre, blesse Rimbaud
au bras d’un coup de pistolet parce que celui-ci ne veut plus partager avec lui
son errance, et se retrouve en prison pour deux ans (c’est là que Verlaine
prépare les poèmes du futur recueil intitulé Sagesse). Pendant ce temps, Rimbaud
publie Une saison en enfer, recueil qui sera imprimé en Octobre 1873; il croit avec
cette dramatique confession accéder à la gloire mais l’accueil est glacial. Il
continue ses vagabondages, termine Illuminations.
Quelquefois je vois au ciel des plages sans fin
couvertes de blanches nations en joie. Un grand vaisseau d'or, au-dessus de
moi, agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin. J'ai créé
toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J'ai essayé d'inventer
de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles
langues. J'ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer
mon imagination et mes souvenirs !
Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de
toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité
rugueuse à étreindre ! Paysan !
Suis-je trompé ? la charité serait-elle soeur de la
mort, pour moi ?
Enfin, je demanderai pardon pour m'être nourri de
mensonge. Et allons.
Mais pas une main amie ! et où puiser le secours ?
Découragé, il renonce à la
littérature. Une page est tournée, c’est l’adieu à la poésie. Il n’a que 19
ans, il rêve l’aventure et il commence parcourir l’Europe à pied, en vagabond.
« L’homme aux semelles de vent » comme l’appelle Verlaine, multiplie
les voyages à travers l’Europe. Il apprend l’anglais, l’allemand et l’arabe. En
1876, il n’écrit plus ; il devient mercenaire, puis commerçant. L’Afrique
l’attire; il y passera les dernières années de sa vie en tant que trafiquant
d’armes. Fatigué, il reviendra en France atteint d’une tumeur au genou.
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